La plainte
Dois-je porter plainte à la police?
Vous n’êtes pas obligée de porter plainte si vous avez été victime d’une agression sexuelle.
Beaucoup de femmes font d’ailleurs le choix de ne pas porter plainte. Seulement une agression sur dix est rapportée aux policières ou aux policiers. Cela s’explique par diverses raisons.
Plusieurs femmes :
- sont gênées de ce qui leur est arrivé
- croient qu’elles sont responsables de l’agression ou qu’elles auraient dû être capables de l’empêcher
- ont peur qu’on ne les croie pas
- ont peur de l’agresseur
- ne veulent pas que les autres sachent ce qui leur est arrivé
- n’ont pas confiance dans le système judiciaire
- doivent surmonter des obstacles sur le plan de la culture, de la langue ou autres, qui rendent difficile le recours au service de police.
Les femmes hésitent également à porter plainte à cause d’autres obstacles :
- il existe encore aujourd’hui au Canada de nombreux mythes autour de l’agression sexuelle. Beaucoup de personnes pensent notamment qu’une victime est en partie responsable de l’agression. Des victimes décident donc de ne pas porter plainte pour éviter d’être confrontées aux préjugés qu’elles pourraient entendre et ainsi être revictimisées.
- De la façon dont le système judiciaire canadien est conçu, la victime est seulement considérée comme un témoin. une fois la plainte déposée, ce n’est plus la victime qui prend les décisions. C’est la police puis la Couronne qui décident de la suite du processus. des femmes choisissent donc de ne pas porter plainte pour éviter d’être par la suite écartées du processus judiciaire et que des décisions soient prises sans leur accord.
Si vous hésitez à porter plainte, vous pouvez communiquer avec la ligne Fem’aide ou avec un centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS). Le personnel pourra vous informer et vous aider à explorer vos options.
Pourquoi porter plainte?
Le dépôt d’une plainte est la première étape pour que l’agresseur soit éventuellement poursuivi devant la Cour criminelle. Pour qu’il y ait un recours criminel, il faut donc qu’il y ait une plainte. Cependant toutes les plaintes ne conduisent pas nécessairement à un procès. En effet, pour que l’agresseur soit poursuivi, il faut que la procureure ou le procureur de la Couronne estime qu’il y a assez de preuves pour obtenir une condamnation.
Il est important de savoir qu’une victime n’a plus le contrôle une fois qu’elle a déposé plainte.
Toutes les futures décisions seront prises soit par la police, soit par la Couronne qui représente les intérêts de la société et non ceux de la victime. Sachez donc qu’il est possible que plusieurs décisions soient prises malgré votre désaccord (par ex., l’agresseur pourrait ne pas être poursuivi devant une Cour criminelle, un plaidoyer de culpabilité pourrait être négocié, etc.).
Quand porter plainte?
C’est à vous de choisir si et quand vous portez plainte.
Si vous le souhaitez, vous pouvez communiquer avec un service de police immédiatement après l’agression ou attendre. En matière d’agression sexuelle, il n’y a pas de délai de prescription, c’est-à-dire qu’un agresseur peut être poursuivi même longtemps après les faits. il n’est jamais trop tard pour porter plainte. Vous pouvez donc prendre le temps de réfléchir et appeler la police plus tard. Cependant, sachez que plus vous attendez, plus il pourra être difficile de prouver que l’agression a eu lieu, les preuves physiques pouvant être détruites et les témoins difficiles à retrouver.
N’hésitez pas à appeler la ligne Fem’aide ou un CALACS afin d’obtenir plus d’information.
Comment porter plainte?
Pour déposer une plainte, vous devez communiquer avec la police. Certains services de police ont une équipe spécialisée en matière d’agressions sexuelles. Vous pouvez donc demander à parler à une personne de cette équipe.
Cependant, sachez que tous les services de police n’ont pas d’équipe spécialisée et que des victimes d’agression sexuelle disent avoir été mal reçues lorsqu’elles sont allées porter plainte. Certaines policières et certains policiers continuent en effet de poser des questions ou d’avoir des propos qui blâment la victime ou mettent en cause son comportement. dans certaines régions de l’Ontario, il peut également être difficile d’obtenir des services en français, ce qui peut rendre encore plus difficile le fait de porter plainte.
Si vous le souhaitez, vous pouvez demander à être accompagnée. La plupart des policières ou policiers acceptent qu’une personne vous accompagne tant que cette personne ne nuit pas au processus. Si vous n’avez personne pour vous accompagner, vous pouvez appeler un CALACS qui offre un service d’accompagnement.
Que dois-je dire?
Lors de votre déclaration, décrivez ce qui vous est arrivé. La policière ou le policier vous guidera en vous posant des questions. Si vous avez besoin de prendre une pause
pendant le processus, demandez-le. Vous pouvez aussi mettre fin au processus à tout moment.
Essayez de donner le plus de détails possible, même si vous trouvez cela difficile ou gênant (par exemple, si vous avez pris des drogues ou de l’alcool). Par contre, si vous ne vous souvenez pas de tous les détails, dites-le. il est fréquent d’oublier des détails d’une agression, ne parlez donc que de ce dont vous vous souvenez. Pour vous aider à ne pas oublier de dire des éléments importants, vous pouvez vous préparer avant l’entrevue avec la police. Une
intervenante dans un CALACS pourrait vous aider à vous préparer.
Vous pouvez demander aux policières ou aux policiers de ne pas faire d’enquête. Cependant, il est important de savoir qu’ils ne sont pas tenus de suivre votre volonté et qu’ils peuvent décider de poursuivre la procédure.
L'enquête
Votre plainte sera transmise à une policière ou un policier qui sera chargé de l’enquête. Son rôle est de rencontrer les témoins et de rechercher, arrêter et interroger l’agresseur. La policière ou le policier pourra demander à vous parler afin d’obtenir plus d’information sur l’agression et pour vous faire signer une déclaration.
Lors de cette entrevue, vous pouvez demander à être accompagnée si vous le désirez. Vous pouvez aussi prendre des pauses et mettre fin au processus quand vous le souhaitez.
Que dois-je dire?
Si vous ne vous sentez pas à l’aise de répondre à une question, dites-le à la policière ou au policier. Vous n’avez pas à répondre à des questions sur votre vie sexuelle à moins que ce soit directement relié à l’agression qui est sous enquête. Par exemple, vous n’avez pas à dire
combien vous avez eu de partenaires sexuels et ce que vous avez fait avec eux ou elles. Par contre, par exemple, si vous avez eu dans le passé des relations sexuelles consentantes avec l’agresseur, il pourrait être pertinent de le dire.
Tout ce que vous direz sera enregistré. Cette déclaration est la base de l’enquête policière et, si des accusations sont portées et qu’il y a un procès, la défense y aura accès. Si vous ne vous souvenez pas de certains détails, n’inventez rien parce que vous pourriez être interrogée
sur votre déclaration si l’agresseur est accusé.
À la fin de l’entretien, on vous demandera de signer votre déclaration. Prenez le temps de la relire. Faites tous les changements nécessaires. ne signez pas la déclaration à moins d’être complètement d’accord avec tout ce qu’elle contient. Si vous le désirez, vous pouvez partir et revenir le lendemain pour relire le texte avant de le signer.
Que se passera-t-il après?
La personne responsable de l’enquête transmettra le dossier à la procureure ou au procureur. Si elle ou il pense avoir suffisamment de preuves contre l’agresseur, elle ou il portera des accusations. L’agresseur sera alors poursuivi devant la Cour criminelle. Il est important de savoir que c’est la procureure ou le procureur qui porte des accusations et non la victime. Si elle ou il décide de ne pas envoyer l’agresseur devant une Cour criminelle, vous ne pouvez
donc pas le faire à sa place. Cependant, le fait que des accusations criminelles ne soient pas portées ne remet pas en cause le fait que vous ayez été victime d’agression sexuelle. Vous avez aussi d’autres recours, notamment le recours en instance civile ou devant la Commission
d’indemnisation des victimes d’actes criminels.
Les examens médicaux
Dois-je passer des examens médicaux?
Si vous venez d’être victime d’une agression sexuelle, vous pouvez passer des examens médicaux afin qu’on prélève des preuves. C’est à vous, et à vous seule, de décider si vous voulez passer ces examens ou non. Même si les policières et policiers vous le demandent,
vous pouvez refuser.
Faire les examens peut être important pour :
- relever des preuves physiques qui pourront ensuite être utilisées contre l’accusé en cour.
- révéler si vous êtes enceinte ou éviter de le devenir (on pourra vous donner la pilule du
lendemain si vous le souhaitez). - révéler si vous avez été contaminée par une infection transmise sexuellement ou éviter de l’être.
- révéler si vous avez subi des blessures internes ou externes et recevoir les traitements appropriés.
Par contre, sachez que l’examen peut être traumatisant
pour certaines femmes :
- Il nécessite de l’intimité physique.
- Le corps de la victime est considéré comme un élément de preuve de l’agression. Plusieurs procédures vont donc être faites, comme un examen vaginal, anal ou buccal, des prélèvements, un questionnaire à remplir…
- Il est long : environ quatre heures sont nécessaires pour faire tout l’examen.
Prenez donc le temps de réfléchir si vous voulez passer les examens. Si vous choisissez d’y aller, vous pouvez vous faire accompagner par une personne qui vous soutiendra tout au long du processus. n’oubliez pas que, même si vous avez accepté de faire l’examen, vous pouvez y mettre fin à tout moment. Vous pouvez aussi refuser de faire une partie des examens.
Certains hôpitaux ont des médecins et des infirmières spécialement formés pour faire un examen médical à la suite d’une agression sexuelle. Si l’hôpital possède une telle unité, vous y serez transférée automatiquement dès que vous direz que vous avez été victime d’une agression sexuelle. Si vous voulez que ce soit une femme qui vous examine, vous pouvez le demander. Sachez toutefois qu’il est possible qu’aucune femme médecin ne soit disponible.
Sachez également qu’il peut être difficile dans certaines régions de l’Ontario d’avoir accès à des services en français. Si vous voulez être examinée par une équipe francophone, vous pouvez le demander. Malheureusement, il est possible qu’il n’y ait aucun personnel francophone dans l’hôpital où vous vous rendez.
Quand faire les examens médicaux?
On conseille d’aller à l’hôpital pour faire les examens dans les 72 heures qui suivent l’agression. Passé ce délai, les preuves physiques peuvent disparaître.
Vous pouvez aller passer les examens après avoir déposé une plainte, à la demande des policières et policiers. Vous pouvez aussi décider de faire les examens, même si vous n’avez pas averti la police. Si vous êtes une personne adulte, le personnel de l’hôpital ne devrait pas signaler l’agression sexuelle que vous avez subie et les résultats de vos examens resteront confidentiels tant que vous n’avez pas donné votre autorisation à les transmettre à la police.
Comment se déroulent les examens médicaux?
À l’aide d’une « trousse du viol » ou d’une « trousse médico-légale pour agression sexuelle », la ou le médecin examine tous les indices physiques d’activité et d’agression sexuelle en fonction des endroits où a eu lieu le contact.
Cela peut comprendre un examen vaginal, anal ou oral ainsi qu’un examen général de tout le corps pour déceler des traces de lutte, comme des ecchymoses (des bleus) ou des égratignures. On pourrait vous prélever des cheveux et des poils pubiens. On pourrait également prendre les vêtements que vous portiez lors de l’agression.
L’examen comprend des prises de sang pour établir le niveau de drogue ou d’alcool dans votre système et pour déterminer la présence d’infections transmises sexuellement, notamment le ViH, ou une grossesse. Vous pouvez refuser cette partie du test si vous ne vous sentez
pas à l’aise. Toutefois, si vous pensez qu’on vous a donné « la pilule du viol » et que vous passez l’examen moins de 24 heures après l’agression, l’examen permettra de vérifier s’il reste des traces de la drogue dans votre système.
Dois-je signer le formulaire de consentement?
À la fin de l’examen, on vous demandera si vous voulez signer le formulaire de consentement autorisant que les résultats soient divulgués à la police. Vous pouvez accepter de le signer ou refuser. Ce formulaire est différent de celui qu’on vous présente au début de l’examen et par lequel vous consentez à subir l’examen.
Sachez que dès que vous signez le formulaire de divulgation à la police, la trousse du viol ne vous appartient plus. Elle devient la propriété de la police. Il vous sera donc difficile de la récupérer. Donc, si vous ne savez pas encore si vous porterez plainte contre l’agresseur ou si vous ne savez pas encore si vous voulez que les résultats de l’examen soient utilisés lors
d’un éventuel procès, ne signez pas immédiatement le formulaire de consentement de divulgation à la police.
Vous pouvez faire le test et refuser de signer le formulaire de consentement jusqu’à ce que vous preniez une décision.
Si vous désirez attendre, les échantillons seront conservés de deux à six mois.
Les résultats des examens seront-ils utilisés lors d’un éventuel procès?
Différentes situations sont possibles si vous avez signé le formulaire de consentement :
- Tous les résultats seront utilisés.
- Seulement quelques résultats seront utilisés.
- Aucun résultat ne sera utilisé.
La décision d’utiliser ou non les résultats médicaux appartient à la procureure ou au procureur de la Couronne.
Lors d’un éventuel procès, les résultats seront-ils transmis à l’avocate ou l’avocat de l’agresseur?
L’avocate ou l’avocat de l’agresseur a le droit d’avoir accès à tous les éléments détenus par la procureure ou le procureur de la Couronne. Si vous avez signé le formulaire de consentement de divulgation à la police, les résultats des examens lui seront donc transmis et elle ou il pourra les utiliser lors du procès, même si la procureure ou le procureur ne les utilise pas.
Ils pourront donc notamment savoir si vous aviez consommé de l’alcool ou de la drogue ou voir les vêtements que vous portiez si vous les avez donnés à l’hôpital. N’hésitez donc pas à refuser certaines parties de l’examen si vous pensez que les résultats pourraient être utilisés contre vous lors d’un éventuel procès.